giovedì 22 aprile 2021

Les Capucins et Notre-Dame de Lourdes

 Dès le début


1. Le 11 février 1858, Bernadette Soubirous, une jeune fille de Lourdes qui se rend avec deux amies le long du Gave pour ramasser du bois, entend un bruit, comme un fort coup de vent. Levant les yeux, elle aperçoit au creux d’une grotte une belle dame qui lui fait signe de s’approcher ; la Belle Dame lui sourit. Marie-Antoine écrira : « Et c’est dans cette pauvre grotte de Lourdes, jusqu’alors inconnue de la France et du monde, que l’univers viendra contempler ce sourire ! » Dix-huit fois, la jeune fille ira à la grotte comme la Dame le lui a demandé. Ces apparitions ont bouleversé la société de l’époque et suscité un immense enthousiasme.

Entre la dix-septième et la dix-huitième apparitions, alors qu’il prêche dans les environs de Lourdes, le P. Marie-Antoine de Lavaur, déjà connu partout comme « le saint de Toulouse », décide d’aller à la Grotte de Massabielle pour voir par lui-même ce qui se passe en cet endroit reculé et pour y rencontrer la petite voyante.

2. Le Père Marie-Antoine, missionnaire capucin – grande, longue barbe, habit usé, crucifix fiché dans la corde, un regard qui ne s’oublie pas, un sourire joyeux – a déployé ses nombreux charismes pendant cinquante ans d’intense apostolat dans toute la France. Il jouissait en son temps d’une popularité extraordinaire ; il a publié près de quatre-vingts livres, dont certains comme Les Grandes Gloires de Saint-Antoine de Padoue, tirés à un demi-million d’exemplaires.

Léon Clergue, de son prénom, naît à Lavaur (Tarn) le 23 décembre 1825 dans une famille très pieuse. Le lendemain, il est baptisé et consacré à la Sainte Vierge. Vocation précoce, il entre au petit séminaire de Toulouse à l’âge de 11 ans. Ordonné prêtre en 1850, il est aussitôt nommé vicaire à Saint-Gaudens où il entend l’appel de saint François et en 1854 il entre au noviciat des capucins à Marseille, devenant le jour de la fête de saint Antoine de Padoue, le père Marie-Antoine. Un an plus tard, il commence à prêcher avec succès à Marseille, à Toulon, avant d’être envoyé, à 32 ans, fonder le grand couvent des capucins de Toulouse auquel il sera lié toute sa vie. Sa notoriété atteint rapidement toute la ville. Son amour pour les pauvres, sa passion pour le Christ et Marie Immaculée, et sa vie de plus en plus humble faite de détachement et d’oubli de soi, le font surnommer, alors qu’il n’a pas encore quarante ans, « le Saint de Toulouse ».

Grand « ouvrier » de Marie, il éveille et anime de nombreux pèlerinages mariaux, et sera à l’origine de la dévotion populaire à Notre-Dame de Lourdes et des premiers grands pèlerinages.


À partir de 1893, il se consacre à l’œuvre du Pain de Saint Antoine, à l’origine de la renaissance de la dévotion au saint franciscain en France, et dans les dernières années de sa vie, il réalise un vieux rêve en faisant ériger la chapelle de Notre-Dame de Consolation à Lavaur, son pays natal.

Missionnaire capucin jusqu’au bout, inventif et doué d’une surprenante énergie, confesseur infatigable, il poursuit ses batailles sur tous les fronts, la déchristianisation du pays, la décadence des mœurs, la désobéissance sous toutes ses formes, la liberté des religieux méprisés et forcés à l’exil en 1880 et surtout en 1903. Ses armes sont la prière, la formation religieuse du peuple et surtout des enfants, la prédication populaire. Il parle souvent en dialecte, conduisant ses auditeurs vers un Dieu de miséricorde et d’amour.

Il meurt à Toulouse le 8 février 1907 dans la solitude glaciale d’un couvent déserté, dont les pouvoirs publics n’ont pas eu le courage de le chasser par crainte d’un soulèvement populaire. Selon la presse de l’époque, une foule immense de plus de cinquante mille personnes à ses obsèques aurait voulu l’accompagner lors de son dernier voyage. Son corps exhumé en 1935 du cimetière de la ville repose désormais dans la chapelle de son couvent, devenu la propriété des carmes en 1999. Son tombeau n’a jamais cessé d’être l’objet d’une fervente dévotion. Il est déclaré vénérable le 23 janvier 2020.

3. L’ouvrier de Marie est à Lourdes. La Vierge vient de réapparaître, ce mercredi de Pâques. Bernadette, qui a fait sa première communion le 3 juin, doit participer à la messe que célébrera le Capucin. Devant cette fille pieuse et candide comme un ange, si pauvre et si frêle, le religieux est enchanté. Bernadette reçoit la communion pendant sa messe et le Père écrit : « Ce même jour, il m’est permis de l’interroger un bon moment. Chacune de ses paroles est pour moi une perle précieuse que j’ai dévotement déposée dans le coffret de mes souvenirs les plus religieux ». Le P. Marie-Antoine se laisse émerveiller par l’histoire de Bernadette. Aucun doute ne l’effleure. Tout est vrai. Bernadette est là, comme une fleur tombée du ciel, ou mieux du cœur même de Marie, pour être offerte au monde comme témoin perpétuel de ces apparitions, dont la dernière aura lieu le 16 juillet.

Le P. Marie-Antoine demande à Bernadette de lui répéter les gestes qui accompagnaient les paroles : « Je suis l’Immaculée Conception ». Il raconte lui-même que Bernadette se recueillit et dit : « Elle fit comme cela ». Et « au même moment, elle prit une expression si touchante que son souvenir ne quittera plus jamais ma mémoire. Comme la Sainte Vierge, Bernadette étendit d’abord les mains, puis les souleva à la hauteur des épaules, et finalement sur la poitrine et en regardant le ciel elle me dit : - c’est à ce moment que la Sainte Vierge a dit ces paroles : Je suis l’Immaculée Conception ». On croirait une vision du ciel. Bernadette est transfigurée, quelque chose de surnaturel lui passe sur le visage, ses yeux se plongent dans l’infini ! Tous deux profondément émus, nous restons en silence pendant un moment. « Ma chère enfant, comme tu es heureuse ! Bernadette opine modestement de la tête. « Oh, mon père, comme elle est belle, la très-sainte Vierge, comme elle est belle ! Toutes les statues, toutes les dames de la terre ne sont rien à côté d’elle ! »

Le père Marie-Antoine gardera particulièrement à l’esprit une demande de Notre-Dame : « Je veux que l’on vienne ici en procession ». Un tel désir trouve un écho particulier dans son âme d’apôtre. Et Mgr Peyramale, le curé de Lourdes, n’aura pas de plus fort soutien ni de meilleur collaborateur que le Capucin. Ces deux hommes, tous deux animés d’une foi forte et d’une énergie obstinée, étaient faits pour s’entendre. Le 18 janvier 1862, l’évêque de Tarbes reconnaît les apparitions, autorise le culte dans la Grotte et propose même d’y construire un sanctuaire. Ensemble, les deux prêtres entreprendront tout pour promouvoir les pèlerinages à la grotte de Massabielle. Il leur faudra cependant plus de six ans pour organiser le premier grand pèlerinage régional, celui d’une vingtaine de paroisses de la région de Tarbes, dirigé par le père Marie-Antoine.

Le Capucin, apôtre de Marie depuis l’adolescence, profitant d’une mission qu’il prêche dans la région, se rend à Lourdes en avril 1862. C’est un pèlerinage solitaire. Dans une lettre, il décrit à ses parents ce qu’il ressent. « La plume ne permet pas de les exprimer, il faut les voir, les écouter et les entendre ces choses du ciel ! Marie est là, toujours visible, on respire encore le parfum qu’elle a laissé dans cette vallée, dans cette grotte et sur ces collines. Il me semble la revoir et entendre sa voix, quand je vois et j’entends la bergère qui a eu le bonheur d’être visitée par elle dix-huit fois ».

L’année suivante, un soir de mai 1863, vers neuf heures, une vingtaine de personnes prient là dans une semi-obscurité. A peu près autant de cierges brûlent aux pieds d’une image de la Vierge. Tout se tait. « Ces cierges doivent marcher et chanter », se dit le Capucin. Aussitôt dit, aussitôt fait. Chacun est invité à prendre un cierge. « Dans leurs mains, ces bougies forment un demi-cercle devant la Grotte, au chant de l’Ave Maris Stella. Le jour suivant cent cierges, puis des milliers et des milliers courront sur le sentier tortueux, sur l’esplanade et la prairie ».  Et dès 1872, avec le début des grands pèlerinages, ces processions aux flambeaux deviennent l’épicentre de la liturgie populaire de Lourdes.

Le père Marie-Antoine a fait de grandes choses à Lourdes. Combien d’autres, pourtant, aurait-il encore aimé réaliser. Les bons pères de la Grotte, comme il les appelle, se méfient de ses initiatives et de ses projets, et cherchent à lui résister par tous les moyens. Mais il a des arguments qui désarment. En 1870, alors que l’on construit la basilique d
e l’Immaculée Conception, il la voudrait bien plus vaste, pour que soit rendu un culte perpétuel à Marie. Il rêve de la présence des capucins comme confesseurs. Autour de 1880, une bienfaitrice lui donnera même de l’argent pour construire un grand couvent pour les frères, mais c’est l’époque des expulsions anticléricales et il doit refuser l’argent, tous les frères, à part lui, partant pour l’exil !

4. La présence des capucins sera pourtant toujours bien vivante à Lourdes. En plus du souvenir du père Marie-Antoine et de son buste érigé à la fin du chemin de croix, en plus des nombreux frères qui se rendent à la Grotte depuis le monde entier pendant la saison des pèlerinages pour accompagner des groupes, il est un capucin qui veille et précède ses confrères. Dans l’un des cimetières de la ville pyrénéenne, une tombe fait l’objet de fréquents pèlerinages. Elle est toujours couverte de fleurs fraîches et de nombreux ex-voto : frère Jacques (Giacomo) de Balduina, pèlerin à Lourdes (1908-1948) y est enterré. Né à Balduina dans la province de Padoue, il entre chez les capucins à Rovigo. En 1918, il doit interrompre ses études pour terminer son service militaire à Milan. Après quatre ans, il reprend le chemin du couvent et le 28 septembre 1922 à Bassano del Grappa, il prend l’habit franciscain avant de se rendre à Venise pour ses études théologiques. Il tombe bientôt gravement malade. Les supérieurs, convaincus qu’il ne vivra pas longtemps, le font ordonner prêtre. Après l’ordination, parmi bien des difficultés, il poursuit son ministère de manière héroïque et se distingue particulièrement dans l’écoute des confessions, en particulier des hommes, des prêtres et des séminaristes qu’il accueille dans sa cellule. Un jour, il se confie à un séminariste qui, comme lui, se tenait sur des béquilles : « Moi, je ne peux rien attendre de mieux. Je me suis offert en victime à Dieu pour la sanctification des prêtres. Dieu a accepté mon offrande et s’est arrangé pour que l’encéphalite léthargique soit l’outil le plus approprié pour réaliser mon idéal ».

Plein de dévotion pour la Vierge, il part en pèlerinage en 1941 et 1946 à Lorette et en 1948, il part en train à Lourdes. Ce sera son dernier voyage. Il y demande une grâce spéciale. Non pas la grâce de la guérison, mais celle de pouvoir partir pour le ciel sous le regard de Marie : il arrive vers seize heures le 21 juillet 1948, après trente-cinq heures de voyage. Accablé par la fièvre, il répète : « à la Grotte, vite, emmenez-moi à la Grotte ». Le médecin ordonne plutôt de le transporter à « l’Asile », où les pèlerins malades sont accueillis. Au fil des heures, la respiration du père Jacques devient haletante et pénible. Il perd connaissance, mais plus tard, lorsque les vêpres sont chantées, il ouvre les yeux et, d’une voix faible, chante le Magnificat puis rend son âme à Dieu comme il le souhaitait sous le regard de Marie, sans pourtant avoir pu aller à la Grotte. Enterré au cimetière de Lourdes, sa tombe est un lieu de grâce pour d’innombrables pèlerins du monde entier. Le 16 juin 2017, le pape François a autorisé la promulgation du décret par lequel le père Jacques a été déclaré vénérable.

5. Il faudra cependant attendre 2017 pour voir une fraternité capucine éclore à Lourdes. Le rêve de Marie-Antoine devient réalité, et la présence de Jacques une bénédiction ! Les saints nous précèdent et nous ouvrent la voie. L’apôtre et le pèlerin sont toujours là pour veiller sur la fraternité naissante des capucins dans la cité mariale.

La fraternité de Lourdes est née dans le cadre du projet des Fraternités pour l’Europe, rebaptisé à juste titre « Saint-Laurent-de-Brindes ». Nous sommes actuellement cinq frères dont trois de la province de Sardaigne et de Corse, un de la province de Messine chez nous en congé sabbatique et un profès temporaire de la province de France.

Comment sommes-nous arrivés à Lourdes ? Au départ, les provinces de Sardaigne et de Corse et celle de Gênes (la fraternité initiale comptait un frère de Gênes aujourd’hui décédé, le frère Andrea Caruso) proposèrent au provincial de France l’ouverture d’une fraternité sur le territoire français. Ils réfléchirent pendant un certain temps sur les modalités de collaboration avec la province de France. Il n’y avait pas de position ou de plan prédéterminé. Le seul souhait exprimé était de collaborer dans le cadre du projet des « Fraternités pour l’Europe ».

Lourdes s’est imposée de soi. Disons simplement que plusieurs facteurs ont été déterminants : Lourdes est un lieu de visibilité et offre toutes les possibilités pour mettre en pratique ce qui est exprimé dans la charte du projet ; c’est un bastion de la vie de l’Église en France où beaucoup, catholiques et non-catholiques, se donnent un rendez-vous tacite ; c’est aussi un endroit où les malades et les faibles sont au centre ; c’est encore un lieu franciscain à plus d’un titre : c’est ici que Marie a prononcé son nom, je suis l’Immaculée Conception, un nom si cher au cœur de tous les enfants de saint François ; la présence de deux vénérables Marie-Antoine de Lavaur, le grand apôtre de Lourdes, et de Jacques de Balduina, sur le point (espérons-le !) d’être béatifiés ; mais ce qui est frappant, c’est que le désir de l’évêque de Lourdes a tout à fait coïncidé avec le nôtre. Il rêvait d’avoir un signe communautaire de vie fraternelle bien visible (« avec votre habit ! ») dans ce sanctuaire.

En tant que frères, nous sommes impliqués de différentes manières dans la pastorale du sanctuaire dans l’accueil des pèlerins, mais aussi au service d’une structure pour les personnes en difficultés psychiques, et dans quelques services réguliers au diocèse. La fraternité est également insérée dans la vie de la province de France : la présence du fr. Marie-Nicolas et avant lui celle du fr. Samuel, frères en formation, a beaucoup fait pour tisser des liens solides avec le reste de la province. A Lourdes notre maison, propriété du sanctuaire, ne nous permet pas d’accueillir tous les confrères de l’Ordre qui nous demandent l’hospitalité. Mais à la lumière de ce qui a été dit, il ne serait pas inutile de réfléchir à une mise en valeur de notre présence. Lourdes donne une visibilité mondiale à notre Ordre.

Nous pouvons dire que ces quatre années passées à Lourdes ont été un temps de grâce et de bénédiction.

Paix et tout bien !


Contribution du F. Jean-Marcel Rossini - gardien actuel.

L’ANNONCE DE L’ÉVANGILE

 

Nous nous considérons tous missionnaires


CONSTITUTIONS DES FRÈRES MINEURS CAPUCINS

CHAPITRE XII


L’ANNONCE DE L’ÉVANGILE ET LA VIE DE FOI

N. 176

COMMENTAIRES DU FRERE ANTONIO BELPIEDE*

 

[Traduction de l’italien par Jean Miguina OFM Cap e Bettina Kerstners – Mesclon]


« Le Roi est roi pour tous, et moins pour son domestique », selon un vieux proverbe, utilisable aussi-mutatis mutandis- pour d’autres régimes qui ne soient pas monarchiques. L'habillage esthétique et l'hypocrisie éthique, les maquillages de la propagande, les perruques avec les bigoudis des rois Louis de France ou les dizaines de médailles accrochées sur la large poitrine de Leonid Breznev s’évanouissent aux yeux du domestique privé. Le roi se réveille dans son humanité quotidienne, parfois infirme, faible, vicieuse. Les boucles de la perruque cèdent le pas à la réalité d’une alopécie de stress de gouvernement ou d’une calvitie impétueuse. Le roi se montre nu aux yeux de son domestique, qui s’espère fidèle à sa personne et à  la couronne.

            Ainsi, comme un domestique fidèle à son roi, le Procureur général voit l’Ordre sans la perruque, sans médailles sur la poitrine, sans maquillage, sans les auréoles de nos saints, avec ses fatigues,  son désir de servir qui affronte quelques fois les bassesses, les paresses, qui arrivent des quatre points cardinaux selon une tournure que seul  le Seigneur de l’histoire peut comprendre.

            Lorsqu’on parle de l’Ordre aux novices ou aux jeunes frères, on le représente comme un jardin de beaux arbres fructueux. On représente les oliviers avec leurs couleurs de feuilles : double face- argent et vert, selon le côté de la feuille que le vent agite, les vignes opulentes de grappes rouges et turgescentes qui promettent des calices de vin délicieux, les figues douces qui meurent au fond, montrant des stries blanches et rouges, parce que déjà matures et en attente de nourrir avec douceur. Et puis la vie nous fait connaitre aussi les ronces présomptueuses dans leur laideur stérile,  qui, comme dans l’apologie de Iotam, exhortent les autres plantes à l’élire roi (Juges 9, 7-15).

             Ce n’est pas charitable de nier la vérité. C’est prudent de couvrir la nudité du frère, comme celle… du roi. Mais pour nous, appelés à vivre l’Évangile, la charité plus grande devant la réalité de la faiblesse et du péché réside dans le rappel et le témoignage de l’omnipotence de Dieu. Lui  est capable de transformer la désagréable ronce, tranchante et dangereuse en une pérenne et crépitante flamme d’énergie, de foi et de beauté. La ronce de nos limites, de notre possible misère, ne doit pas être cachée sous une toile de camouflage, mais exposée au souffle pérenne  de l’Esprit pour qu’il brille comme le buisson qui enchanta Moise et le détermina à la mission.

            À l’origine de la mission de l’Ordre, il n’y a pourtant pas une représentation édulcorée de la sainteté, mais la  foi forte en Celui qui est capable de nous transformer en buisson ardent d’une évangélisation pérenne,  renvoyant sur ses pas, courant dans une joie croissante,  Cleopas et son compagnon à celui qui « avait brulé leur cœur dans la poitrine, leur expliquant les Écritures sur la passion » (Cf. Lc 24, 13-35)

            Simon Pierre, qui se lève avec les onze autres, le jour de la Pentecôte, et commence son premier discours, est un homme blessé et guéri. Ce n’est pas un «  novice impeccable », mais celui qui a nié trois fois connaître le Maitre. Pourquoi devrions-nous falsifier nos modèles de formation et l’image de l’Ordre avec des  apparences rhétoriques de sainteté ? Lorsque la liturgie dans le canon romain, affirme : « A nous aussi, tes pauvres serviteurs… » elle dit la vérité. La puissance de l’Evangile se diffuse dans la mission parce qu’à son origine, il y a un commandement très semblable à celui qu’a reçu Pierre sur le lac de Tibériade : « Sois le berger de mes agneaux », là aussi trois fois de suite. Chaque vrai missionnaire de l'Evangile est un homme blessé et guéri.  Comme l’affirme un expert en humanité, Carl Gustav Jung : « seul le médecin blessé peut guérir ».

 

(Const. 176.1) « Dans notre Fraternité apostolique, nous sommes tous appelés à porter la joyeuse annonce du salut à ceux qui ne croient pas au Christ, quel que soit le continent ou la région où ils se trouvent ; à cause de cela, nous nous considérons tous missionnaires ».

 

« Appelés » c’est beau et vrai. C’est lui qui nous a  appelés, chacun avec sa vocation unique et très belle. Pourtant, François, parce qu’appelé à être le serviteur de tous, se déclare « obligé » d’administrer les paroles parfumées du Seigneur. « Je suis tenu-teneor » (Let Frs II : FF 180). Les paroles du fondateur sonnent plus juridiques de celles du texte des Constitutions. Après huit siècles, elles ont trouvé une impensable réponse dans le canon 747  par. 1 qui ouvre solennellement le livre III du Code de Droit Canonique, la fonction d’enseignement de l’Eglise : « L’Eglise à qui le Christ Seigneur a confié le dépôt de la foi … a le devoir et le droit inné, indépendamment de tout pouvoir humain, de prêcher l’Évangile à toutes les nations ».

            Dans la structure même de la relation juridique, il y a l’altérité ou l'intersubjectivité.  Il ne peut exister un devoir juridique qu’entre deux ou plusieurs sujets. À chaque droit d’une personne correspond un devoir vis-à-vis d’une autre. Le droit de l’Église d’annoncer l’Évangile à tous, n’est pas le fruit d’un accord avec un État souverain, ou une puissance humaine, mais de l’Institution du Christ Seigneur et de l’assistance du Saint-Esprit. Au nom de cette onction divine, l’Église réclame fermement, face à toute autorité,  son droit inné d’annoncer l’Évangile. C’est de ce principe de droit divin que dérive la martyria, le témoignage de l’Église qui peut aller jusqu’au sang.

            L’Église en outre a le « devoir », inné comme le « droit », de prêcher l’Évangile. Qui peut se prévaloir de ce devoir de l’Église ? Qui peut aussi se prévaloir du droit de « recevoir l’annonce de l’Évangile ? » Tous les gens-Omnibus gentibus comme conclut le paragraphe 1 du canon. Libre face à toutes les dictatures et systèmes autoritaires, comme à ses  débuts, au temps des persécutions de l’Empire romain, l’Eglise est appelée à devenir servante de la Parole pour ceux qui ne connaissent pas Christ, mais aussi pour ceux qui l’ont connu et oublié. Notre bienheureux frère François, poète inspiré qui a prononcé des paroles d’obligations juridiques,  qui unit  dans son cœur illuminé  poésie et contrat,  qui a transformé une obligation ecclésiale en un chant universel. La poésie de l’Évangile exige aussi cela : le devoir du serviteur, une Église servante pour donner à tous l’humble diaconie de la Parole ; Un Ordre serviteur de la Parole dans l’Eglise sur les traces du fondateur.

 

(Const. 176.2) « Outre l’engagement missionnaire ordinaire auprès des communautés chrétiennes capables de rayonner le témoignage évangélique dans la société, nous reconnaissons la condition particulière de ces frères, communément appelés missionnaires, qui laissent leur terre natale et sont envoyés exercer leur ministère dans des contextes socioculturels différents, où l’Évangile est inconnu et où un service des jeunes Églises s’impose ».

 

            Pendant des siècles, l’Église a eu la perception théologique, canonique, psychologique d’une différence évidente entre les églises particulières d’une tradition antique (surtout celles de l’Europe) et des territoires de mission. Le texte relate cette bi-partition. La structure même des dicastères du Saint-Siège montre la solidité de cette distinction, même au niveau juridique et du gouvernement. Les diocèses plus antiques d’Europe, de l’Amérique et de l’Australie dépendent de l’autorité de la Congrégation des évêques. Ceux plus jeunes dépendent au contraire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, appelée encore Propaganda Fide qui ne se trouve pas par hasard place di Propaganda (propagation), près de la belle place d’Espagne à Rome[1]. Si les jeunes diocèses sont confiés à la Congrégation qui a une grande compétence sur les territoires de première annonce, a fortiori les autres structures hiérarchiques qui n’ont pas atteint la maturité d’être érigées en diocèse, le seront aussi : les vicariats et les préfectures apostoliques surtout (Cf. Can. 368).

            Cependant, il y a de multiples signaux qui indiquent un affaiblissement, la disparition et même la négation de la foi chrétienne dans les territoires d’antique tradition ecclésiale : L’Europe, le continent américain et d’autres nations de  culture occidentale. De l’omission, niante, des « racines judaïques et chrétiennes dans le Préambule de la Constitution européenne, ensuite avortée,  à la diminution progressive des mariages sacramentaux jusqu’à la pratique croissante appelée rageusement « débaptisé» c’est-à-dire une volonté manifeste d’être effacé du registre de baptême, où étaient inscrits les enfants qui ont reçu le baptême demandé par leurs parents.

            « Les communautés chrétiennes capables de porter le témoignage évangélique dans la société » deviennent donc plus fréquemment des communautés qui survivent à peine entre un désert de foi, assoiffées d’eau vive qu’elles possédaient et qu’elles « ont perdue en partie ou totalement » (176.3).

 

(Const. 176.3) « De même, nous reconnaissons la condition missionnaire particulière des frères envoyés en des lieux qui ont besoin d’une nouvelle évangélisation parce que la vie de groupes entiers n’est plus modelée par l’Évangile et que nombre de baptisés ont perdu, en partie ou en totalité, le sens de la foi».

 

            Il y a quelques années, on aurait eu du mal à accepter la qualification de missionnaire à des frères envoyés pour une nouvelle évangélisation. Nos Constitutions ont acquis et assumé avec une expression forte le fait qu’il faut des missionnaires pour les églises anciennes de l’Occident déjà chrétien. J’ai devant les yeux un ancien et beau tableau de notre Couvent d’Assise : un frère avec l’habit de couleur ivoire et un casque colonial sur la tête  s’aventure avec une pirogue sur un fleuve de l’Amazonie. L’imaginaire des catholiques, des enfants et des mamans, des bienfaiteurs et soutiens des missions contemplait ainsi les frères, et d'un autre côté, l’autre panorama diffus, celui de la savane africaine ou avec celui vert et humide d’une jungle asiatique. Ces icônes gardent leur valeur. La mission ad gentes doit continuer avec ardeur comme l’affirme le n° 176.2. Mais à présent, nous devons imaginer d’autres icônes de mission : des frères qui parlent avec les jeunes sur un sit-in improvisé au jardin du Luxembourg à Paris, ou à Hyde Park à Londres ; des laïcs de l’OFS ou sœurs qui jouent de la guitare devant la porte de Brandebourg à Berlin ou prient, avant de partager une pizza sur le Ponte Milvio à Rome. Et du rêve et de l’imagination, on peut passer progressivement aux projets concrets.

            Ce fut le grand Jean Paul II, jeune pape de cinquante-neuf ans, qui a prononcé pour la première fois la parole « Nouvelle évangélisation ». Il l’a fait dans sa langue, en polonais, sur sa terre et dans sa ville Cracovie le 11 juin 1979. Il le fit dans le quartier ouvrier de Nova Huta, où le régime prosoviétique voulait construire un quartier ouvrier athée, sans église. Mais le cardinal Wojtila, le pasteur de cette cité catholique, a lutté avec les siens contre la bureaucratie sous drapeau rouge. Il a lutté et gagné. Là où on voulait implanter l’athéisme d’Etat, une haute croix rappelle le courage de Jean Paul II et son inspiration prophétique de nouveau pape : il y a  nécessité d’une nouvelle évangélisation. La parole a germé lentement, a été proclamée avec force à l’assemblée des évêques latino-américains à Puebla en 1983. Après la mort de Jean-Paul II, Benoit XVI a érigé un nouveau dicastère pour la promotion de la Nouvelle évangélisation. François nous a poussé au désir de joie que le Christ nourrit pour nous avec l’Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, La joie de l’Évangile.

            Ma maman Maria mangeait très peu. Elle nous mettait sept à table. Elle était contente de nous voir, ses enfants, tout dévorer et nous expliquait : « J’ai le nez plein d’odeurs de cuisson que je perds un peu l’appétit ». C’est peut-être ce qui est arrivé à cette parole précieuse : nous avons tant parlé et écrit  sur la Nouvelle évangélisation, mais nous n’avons pas eu le goût de l’Évangile ni la faim d’une mission rénovée. Nous continuons lentement à faire les mêmes choses.

Au début du millénaire, l’Église se meut dans le monde déjà chrétien, en réinitialisant les frontières et déménageant des archives. Dans l’Église notre Ordre. Depuis plusieurs décennies, les provinces d’Europe se sont fusionnées pour coïncider avec les limites des nations telles que la France, l’Allemagne, l’Espagne. L’Irlande et le Royaume Uni sont en train d’être fusionnés. Ce mouvement touchera bientôt les États-Unis et l’Amérique du sud de langue espagnole. C’est peut-être l’unique voie à suivre, mais peut être pas. On pourrait transformer les provinces plus petites en nombre en des structures juridiques plus simples, telles que Custodies et Délégations, soutenues par les circonscriptions plus fortes avec un esprit  missionnaire renouvelé et adapté. Il serait bien d’y réfléchir.

Toutefois, le point fondamental est ailleurs. Opérer une conversion du cœur et de la pensée et revenir sur les routes, retourner dans les maisons. Nous sommes souvent ancrés dans une présence fraternelle, paresseuse et intimiste, dans une action apostolique qui répète les schémas antiques, qui attend les gens dans le temple, qui n'entend pas le cri silencieux de celui qui, près de nous, dans chaque ville d’Europe et d’Occident déjà chrétien, a besoin de réécouter de quelqu’un qui croit au Nom de Jésus : Dieu sauve.


(Const. 176.4) « Employons-nous donc à ne pas laisser sans réponse et sans effet le commandement du Seigneur, parce que chaque personne a le droit d’entendre l’Evangile pour réaliser en plénitude sa propre vocation ».

 

Le commandement missionnaire a changé, il s’est diversifié. La première annonce doit se poursuivre. En même temps, la Nouvelle évangélisation doit dépasser les débuts et devenir l’attitude constante des églises de tradition antique. Il y a une communauté qui attend en dehors du temple. C’est une communauté parfois enveloppée de beaucoup de paroles et étourdie de mille réseaux numériques et pourtant assoiffée d’une parole fraiche comme l’eau de source et chaude comme celle de ce Rabbi juif qui parla à la Samaritaine : « Si tu savais le don de Dieu… » (Jn 4,10)

À la fin du numéro 176 nous retrouvons la parole juridique de François. Si chaque personne « a le droit d’écouter l’Evangile », nous les frères de François avons le devoir dans l’Eglise de l’annoncer, avec un cœur chaud comme Cleopas et son compagnon après la rencontre avec Jésus.

L’Ordre de la Procure Générale n’apparait pas comme un roi avec la perruque, tenue avec épingles et  médailles. Plus nous réussirons à être des hommes vrais, dans la pauvreté de notre péché, et dans la richesse débordante de l’investiture par l’Esprit Saint, plus nous brulerons pour toute la vie comme le buisson qui fascina Moise et l’envoya en mission. Amen !


*Le Procureur Général de l’OFM Cap (2013 – 2020)

[le texte a été terminé en mai 2020]

 



[1] Pour être complet, il est important de rappeler que la compétence  pour les Églises orientales est du dicastère qui porte cet homonyme (Cf Jean Paul II, Constitution Apostolique Pastor Bonus, 1982, art. 56)

martedì 20 aprile 2021

Patronne des missions capucines

 

La Mère du bon Pasteur


Le samedi précédant le dimanche du Bon Pasteur (actuellement le 4e dimanche du temps pascal) on célèbre la fête de la Mère du Bon Pasteur (Divine Bergère), une dévotion typiquement capucine d’origine espagnole, qui est depuis près d’un siècle la patronne des missions capucines dans le monde entier.

 

            Origine de la dévotion

            En 1703, le frère Isidore de Séville, grand prédicateur populaire, eut l’inspiration de se faire accompagner dans ses missions par une bannière ornée d’une singulière représentation de la Vierge Marie : vêtue d’un simple costume de bergère, assise sur un rocher, sous un arbre, portant un chapeau tout à fait quelconque, et entourée de quelques petits moutons. Cette image contrastait clairement avec les nombreuses images exubérantes de la Vierge que l’on affectionnait alors, vêtue de costumes somptueux, coiffée de splendides couronnes et siégeant sur des trônes imposants. Mais le prédicateur capucin avait l’intuition que la simplicité de la Mère de Dieu, si proche de tous ses enfants, et surtout soucieuse des brebis éloignées, donnerait un succès particulier à ses paroles et aiderait à toucher les cœurs pour les tourner vers Dieu. De fait, c’est ce qui arriva, et la dévotion à la « Bergère des âmes », qui devint populaire sous l’appellation de « Divine Bergère », se développa rapidement, suivie par la création de nombreux groupes de fidèles liés à elle à travers toute l’Espagne, qui formaient le troupeau de Marie. Evidemment, les critiques ne manquèrent pas de la part de ceux qui n’acceptaient pas de la voir représentée de la sorte, si pauvre et si simple (ils disaient que « ses vêtements étaient inconvenants, indécents et impurs »), mais c’est le sentiment populaire qui l’emporta, lequel s’est immédiatement identifié avec cette nouvelle représentation de la Mère de Miséricorde. 

 

            Approbation ecclésiastique

             Frère Isidore essaya de bien des manières d’obtenir l’approbation ecclésiastique de cette dévotion et il obtint du pape Clément IX (1700-1721) deux bulles qui accordaient, d’une part, que l’autel où l’image de la Divine Bergère serait vénérée soit un autel privilégié, et d’autre part, que les confréries du « Troupeau de Marie » bénéficient de toutes les indulgences et privilèges qui pouvaient être accordées à ce type d’associations. Mais la dévotion n’était pas explicitement approuvée.


            Avec sa mort, survenue en 1750, pendant quelques années cette dévotion se retrouva d’une certaine façon orpheline, mais elle fut bientôt relancée par un propagateur ardent : le bienheureux Diego de Cadix (1743-1801), qui racontait avoir reçu le don de la parole par la Divine Bergère. C’est lui qui écrira les textes liturgiques propres pour la célébration de la messe et de la liturgie des heures, qui seront approuvés en 1795 par le pape Pie VI, scellant ainsi la reconnaissance canonique de cette dévotion. Dès lors, les capucins espagnols pouvaient célébrer cette mémoire liturgique chaque année à la veille du dimanche du Bon Pasteur, qui était alors le deuxième dimanche après Pâques.

          Toujours sous l’impulsion du bienheureux Diego en 1798, un décret du gouvernement provincial ordonna de dresser son image dans toutes les églises de l’Ordre et la proclama patronne des missions capucines espagnoles. Sa dévotion se répandit dans toute l’Espagne, dans les missions en Amérique latine, ainsi qu’à de nombreuses régions d’Italie qui étaient sous influence espagnole. En 1885, le pape Léon XIII étendit cette fête à tout l’Ordre.

            Par la suite, des congrégations féminines fortement liées à cette dévotion ont émergé : les Sœurs capucines de la Mère du Divin Pasteur (Bienheureux José Tous y Soler, ofmcap) ; les Tertiaires capucines de la Divine Bergère (fr. Pedro de Llisá, ofmcap) ; les Tertiaires franciscaines de la Divine Bergère (bienheureux M. Ana Mogas) ; la Congrégation du Troupeau de Marie (Francisco de Asís Medina) ; la Congrégation piariste de religieuses, Filles de la Divine Bergère (P. Faustino Miguel, Piariste). Il convient de noter que la sainteté capucine en Espagne trouve également une proximité étroite avec cette belle dévotion.

 

            Patronne de toutes les missions capucines

             Par un vote favorable du chapitre général de 1932, la Mère du Bon Pasteur a été déclarée patronne universelle de toutes les missions de l’ordre capucin, le 22 mai, ce qui est toujours en vigueur aujourd’hui. En effet, les Constitutions actuelles approuvées le 4 octobre 2013, affirment au numéro 181.3 : « Confions cette grande œuvre à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère du Bon Pasteur, qui a engendré le Christ, lumière et salut de toutes les nations, elle qui au matin de la Pentecôte, sous l’action de l’Esprit Saint, a présidé dans la prière le début de l’évangélisation ».

            Cependant, il semble que peu de nos présences missionnaires, en dehors de celles d’origine espagnole, aient pu connaître cette dévotion et bénéficier de ce patronage. Il vaudrait certainement la peine de la diffuser plus largement dans toutes nos missions. La Mère du Bon Pasteur peut être une lumière, un soutien et un stimulant dans notre travail missionnaire, car, étant une dévotion typiquement capucine, elle porte nombre de nos caractéristiques et peut donc nous aider à être plus authentiques.

     

            Mère du bon Pasteur ou divine Bergère ?

 

            Au commencement, elle était appelée uniquement Bergère par le frère Isidore, cependant, plus tard, le peuple a complété son titre en Divine Bergère. À l’origine, l’image ne présentait pas non plus l’Enfant Jésus, mais dans les représentations des décennies suivantes, l’Enfant a été ajouté, pour souligner qu’elle était la Mère du Bon Pasteur.


            Les personnes instruites et les théologiens préfèrent généralement l’appeler Mère du Bon Pasteur, bien que dans certaines déclarations de l’Église elle soit aussi appelée « Divine Bergère ». Le peuple de Dieu n’a jamais ressenti le besoin ni accepté les raisons de changer de nom. Il a toujours continué à l’appeler « Divine Bergère », non pas parce qu’il croyait qu’elle fût une déesse, une divinité, tout le monde sait parfaitement qui elle est : la Mère de Jésus, le Bon Pasteur. C’est son action, son service, qui est divin. En collaborant avec le projet de Dieu, son action devient divine, et c’est pourquoi elle est affectueusement appelée « Divine Bergère ».

 

            Une vierge capucine

             Essayons d’évoquer certaines de ses caractéristiques originales et de les interpréter à partir de notre charisme capucin, de nos valeurs. Il est important de garder à l’esprit son image d’origine car avec le passage des siècles et la croissance de la dévotion, des détails ont parfois été ajoutés, qui en un certain sens obscurcissent sa simplicité originelle. Regardons :


            La première chose qui nous saute aux yeux, c’est sa pauvreté : habillée comme les pauvres bergers, avec un simple chapeau de paysan. Peut-être qu’aujourd’hui après Vatican II, il semble normal de la voir sous cet aspect. Mais c’était une intuition extraordinaire, en une époque éprise de pompes, de proposer une image de la Vierge comme celle-ci, répétant presque les paroles de François d’Assise : « Et nous ne voulions pas avoir… ». Cela a fait d’elle une mère proche, désintéressée et solidaire. Elle nous invite, nous capucins, à comprendre la beauté d’être pauvre, de se contenter de peu, de penser à un travail pastoral fait beaucoup plus avec le cœur qu’avec des moyens prodigieux.

            Sa minorité retient notre attention : assise sur une pierre, sous un arbre. Elle est la Reine du ciel et de la terre, mais elle n’a pas de trône. Elle est à l’aise sur une pierre et recherche la simple protection d’un arbre. Certainement pas parce qu’elle ne mérite pas ou ne pourrait pas avoir d’autres conforts ou privilèges, mais parce qu’elle a fait un choix et qu’elle est heureuse de rester près du troupeau.

            Être entourée de moutons nous suggère qu’elle génère la fraternité. La Vierge Marie est une a le don de rassembler. Tout comme à la Pentecôte où elle semble réunir les Apôtres dans la prière, elle continue dans l’histoire, comme notre mère, à générer la fraternité entre nous, à collaborer à notre unité.

            Sa position assise nous fait penser qu’elle est aussi contemplative. Ceux qui travaillent dans l’élevage savent qu’il y a des moments d’activité, de conduite du troupeau, de recherche d’eau et de pâturages, et aussi de nombreux moments où l’on peut s’asseoir et contempler, attendant patiemment que les moutons se soient nourris. Cependant, ce n’est pas une contemplation aliénante, car tout en contemplant le mystère de la vie, elle reste toujours attentive au troupeau, prête à intervenir immédiatement si quelque chose l’exigeait.

            On peut voir en elle une femme en harmonie avec la création. Elle utilise ce dont elle a besoin dans le monde : elle est vêtue de peau de mouton, elle est assise sous un arbre, elle conduit le troupeau vers les réserves de nourriture et d’eau, tout cela dans une relation respectueuse avec la nature. Il est toujours tout à fait évident pour un berger qu’il dépend des ressources naturelles et c’est pourquoi il ne veut pas les ruiner en en tirant plus que de raison.

            En tant que bergère, elle nous dit l’importance du travail simple. Cela nous rappelle que le travail est une grâce et non une punition. Il fait partie de notre spiritualité. Nos saints capucins nous montrent qu'il n’y a pas de sainteté capucine sans travail. Le travail manuel, le travail discret, celui que d’autres peut-être ne voudraient pas faire, sont pour nous une occasion de rencontre, de croissance, de communion et de service.

            Et enfin, la Bergère des âmes est missionnaire. Elle se donne comme soutien des missions capucines et depuis son origine elle a rempli sa mission. Elle veille sur nous pour que nous ne perdions jamais cet idéal, pour que nous n’abandonnions pas la pastorale, pour ne pas rester insensible devant la brebis perdue, mais pour réaliser avec une créativité toujours renouvelée ce que le Bon Pasteur attend de nous.

            Pour tous ces détails, nous pouvons la considérer comme une représentation capucine authentique du mystère de la Mère de Dieu. La garder présente et la vénérer dans toutes nos missions peut être un moyen précieux de nous aider à grandir dans la fidélité à notre vocation.

 

 Fr. Mariosvaldo Florentino, ofmcap

Secrétaire général des missions

Traduit par fr. Marc Olivier

  

Sources :

Lettre du Ministre général, Frère John Corriveau, à l’occasion de la célébration du 3e centenaire de la dédicace « María, Madre el Buen Pastor » (Divina Pastora), 07/10/2003, Analecta OFMCap, 2003, 647-654.

 

CRUCES RODRIGUEZ, José Francisco, « La Divina Pastora de las almas: historia de la advocación e iconografía y su vinculación con la ciudad de Málaga », in : Advocations Marianas de Gloria, San Lorenzo del Escorial, 2012, 985-1004.

  

 Tout au long de ces siècles, les artistes et la piété populaire ont su la proposer de bien des manières, nous montrant à quel point cette dévotion est vivante ...








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